Stoïcisme & Bushido – L’entrainement

Stoïcisme et Bushido, même combat ?

Épisode 5 : L’entrainement

On ne naît pas philosophe ou guerrier, on le devient. Si les Spartiates étaient réputés dans toute la Grèce pour leurs compétences militaires, c’est parce que dès l’âge de sept ans, ils intégraient un programme de formation particulièrement rigoureux qui les transformait en véritables professionnels de la guerre.

Pour être efficace, l’entrainement doit proposer une méthode adaptée aux objectifs visés, mais aussi se caractériser par une discipline sans concession :

« Je ne sais pas comment vaincre les autres mais je sais comment me vaincre moi-même. » Yamamoto Tsunetomo, Hagakure, I, p.69

Pour Morihei Ueshiba, la formation d’un homme est comparable au lent et méticuleux travail d’élaboration d’un katana[1] :

« Le fer est plein d’impuretés qui le rendent faible. En le forgeant, il devient de l’acier et est transformé en un sabre tranchant. Les humains suivent le même processus. »

Morihei Ueshiba, L’art de la paix, p.31

Cette discipline militaire est impérative de façon à se préparer au mieux aux situations périlleuses que le soldat devra affronter sur le champ de bataille :

« Si vous avez en permanence fait preuve d’indolence et d’insouciance, […] il vous sera difficile de répondre à des situations inattendues. »

Issai Chozanshi, Le Sermon du Tengu, p.201

Épictète nous interpelle alors :

« Mais philosopher, qu’est-ce ? n’est-ce pas se trouver prêt à tous les évènements ? »

Épictète, Entretiens, III, 10

Il y aurait donc un parallèle entre la voie du guerrier et celle du philosophe ? Pour Sénèque, c‘est une évidence : « Vivre, c’est être soldat » écrit-il à son ami Lucilius (Lettre XCVI). Marc-Aurèle développe :

« L’art de vivre est plus semblable à celui de la lutte qu’à celui de la danse, en ce qu’il faut se tenir prêt et sans broncher à parer aux coups directs et non prévus. »

Marc-Aurèle, Pensées, VII, LXI

Diogène revendique aussi cette comparaison. Il s’est d’ailleurs rendu aux jeux olympiques et isthmiques pour admirer les prouesses des athlètes et en a profité pour se proclamer lui aussi en compétition. Dans quelle discipline ? La philosophie. À la clôture des jeux,  il s’est auto-décerné une couronne de champion de la pensée[2] !

Mais on aurait tort de croire que pour Diogène, le portrait du philosophe en athlète de haut niveau n’est qu’une métaphore. Un esprit développé dans un corps débile lui semble aussi ridicule que l’inverse. Admirateur de la discipline spartiate, il s’impose lui-même des exercices physiques plutôt intenses, qu’on en juge :

« L’été, [Diogène] se roulait dans le sable brûlant, tandis que l’hiver il embrassait les statues couvertes de neige, tirant ainsi parti de tout pour s’endurcir. »

Diogène Laërce, VI, 53

D’autres ont préconisé de s’exercer à dormir à même le sol ou à supporter la soif les jours de canicule[3]. L’objectif reste identique : s’accoutumer volontairement à l’inconfort pour mieux le supporter quand il nous sera imposé par les évènements. Comme l’a résumé un général américain, « plus vous transpirerez en temps de paix et moins vous verserez votre sang en temps de guerre »[4].

« Il faut avoir vu son propre sang, avoir gardé le corps à terre mais l’âme haute, et s’être relevé plus fier encore après chaque chute pour entrer en lice en toute confiance. »

Sénèque, Lettres à Lucilius, Lettre XIII

Puisque le corps et l’esprit sont indissociables, l’entrainement se doit d’en tenir compte, afin de fournir les moyens d’une auto-défense physique comme intellectuelle :

« Le but de l’entraînement est de raffermir ce qui est lâche, d’endurcir le corps et de polir l’âme. »

Morihei Ueshiba, L’art de la paix, p.30

Mais souvenons-nous d’une chose, le travail n’est jamais fini :

« Quelle que soit la pratique, à aucun moment un homme peut se vanter d’avoir accompli ce vers quoi il tend. Un tel sentiment d’accomplissement est en lui-même contraire à la poursuite de la Voie. »

Yamamoto Tsunetomo, Hagakure, I, p.109

Chaque jour peut nous trouver meilleur que la veille, le choix dépend de nous. Il n’est jamais trop tard pour se reprendre en main. Une fois sur la voie, ne comptons pas sur la motivation pour nous y maintenir : elle fluctue comme la météo. Prenons exemple sur Marc-Aurèle, Léonidas ou Miyamoto Musashi : c’est par la méthode et la discipline que nous atteindrons nos objectifs.


[1] Cette métaphore est récurrente dans les arts martiaux. L’élève est considéré comme une matière brute qui nécessite un travail pour accéder à son plein potentiel. Par ailleurs, l’analogie avec la lame d’un couteau est doublement intéressante car elle suppose un entretien de ses compétences, au risque de « rouiller ». Enfin, la connaissance des techniques de combat suppose un choix : les utiliser pour défendre ou pour nuire, de la même façon qu’avec une arme blanche (pour aller plus loin, voir John Danaher, instructeur de jiu jitsu brésilien : https://www.facebook.com/2223789874572510/posts/symbols-i-am-often-asked-why-i-sometimes-present-students-with-a-knife-or-sword-/2907310539553770/)

[2] Dion de Pruse, Diogène ou le discours isthmique (IX), 1 (dans Jean-Manuel Roubineau, Diogène l’antisocial, p.46).

[3] Voir la préface de Mario Meunier aux Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle (Flammarion, 1992) ou encore Épictète, Entretiens, III, 22 et 26.

[4] « The more you sweat in peace, the less you bleed in war”. Général Norman Schwarzkopf, discours aux diplômés de la promotion 1991 de la Naval Academy.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

×