Ma traversée de l’Atlantique à la rame, avec Epictète et Marc Aurèle

Le 8 janvier dernier j’arrivais en Martinique après avoir traversé l’océan Atlantique à la rame, en duo. 47 jours 15h et 15min qui m’ont permis d’approfondir et mettre en pratique le stoïcisme.

Tout d’abord le contexte. Il faut se rendre compte de l’environnement :

Pendant plus d’un mois et demi, nous avons été 2 à ramer 24h/24 part quart de 2h, l’autre se reposant pendant ces mêmes 2h. Le bateau, d’une longueur de 7m seulement est des plus inconfortables : ça bouge, on est en permanence mouillé et salé, les rames nous frappent souvent les jambes et les cotes, la température de la cabine est de de 38° en journée et 34° la nuit, on dort 4h par jour, on est isolé, on n’est jamais “debout”, etc.

La somme de tout cela fait de cette aventure une expérience extrême.

Je ne savais pas vraiment comment j’allais gérer ces 40 à 50 jours mais j’ai fait le pari que l’application des principes stoïques me serait utile.

Une fois les 8 premiers jours passés, où le corps a besoin de s’habituer physiologiquement à son nouvel environnement, je suis allé puiser chez Marc Aurèle et Epictète quelques pensées salvatrices.

1 – “La perfection morale consiste en ceci. A passer chaque jour comme si c’était le dernier. A éviter l’agitation, la torpeur, la dissimulation.” (Marc Aurèle Livre VII, LXIX)

=> Je m’efforçais à ramer du mieux possible, même dans les conditions difficiles, tout en essayant de calmer mon esprit (éviter l’agitation), dire sincèrement à mon coéquipier ce que je pensais et m’autoriser à être “vrai” avec moi-même (éviter la dissimulation).

2 – “Il est honteux que, dans le temps où ton corps ne se laisse point abattre, ton âme, en ce même moment, se laisse abattre avant lui.” (Marc Aurèle Livre VI, XXIX)

=> Physiquement l’expérience est très difficile, mais le corps a toujours tenu (quelle incroyable machine !!). J’ai senti à de multiples reprises que le mental voulait lâcher : cette pensée me rappelait que ce n’était pas une option.

3 – “Personne ne se lasse de recevoir un service. Or rendre service est agir conformément à la nature. Ne te lasse donc point de rendre service, en obligeant les autres.” (Marc Aurèle Livre VII, LXXIV)

=> Tous les matins, proposer à mon coéquipier un café. Régulièrement, lui demander si je peux faire quelque chose pour lui.

4 – “Le maître intérieur, quand il se conforme à la nature, envisage les événements de telle sorte, qu’il puisse toujours, selon la possibilité qu’il en a, modifier sans peine son attitude envers eux. Il n’a de préférence pour aucune matière déterminée, mais il se porte, après choix, vers ce qu’il croit le meilleur; et, s’il rencontre un obstacle , il s’en fait une matière, comme le feu lorsqu’il se rend maître des choses qu’on y jette, alors qu’une petite lampe en serait étouffée. Mais un feu ardent a vite fait de s’approprier ce qu’on y ajoute; il le consume et, de par ce qu’on y jette, il s’élève plus haut.” (Marc Aurèle Livre IV, I)

=> Certainement une de mes pensées préférées. J’ai néanmoins touché du doigt le “selon la possibilité qu’il en a” : la fatigue mentale m’a rendu difficile la modification “sans peine” de mon attitude !

5 – “Chasse dehors l’opinion et tu seras sauvé. Qui donc t’empêche de la chasser ?” (Marc Aurèle)

=> Dans le moments où je pestais sur ma situation, cette pensée me permettait de distinguer les opinions qui se formait dans mon esprit et, sois de les chasser, ou à minima de cesser de les alimenter.

6 – “Ainsi donc, à toute idée pénible, prends soin de dire : “tu es idée, et tu n’es pas du tout ce que tu représente”. Puis examine la, et juge-la selon les règles dont tu disposes, surtout d’après cette première qui te fais reconnaitre si cette idée se rapporte aux choses qui dépendent de nous, ou à celles qui ne dépendent point de nous, sois prèt à dire : “cela ne me concerne pas”.” (Epictète, Manuel, I-5)

=> Ceci m’a permis, progressivement, de relâcher la colère, face à la météo par exemple. C’est un phénomène complètement hors de mon contrôle, donc je ne dois pas le laisser avoir de prise sur mon esprit.

Ce que j’aime dans les aventures de ce type, c’est d’avoir l’impression de vivre une “vie en condensé”, où les contrastes sont exacerbés. Je savais que cette expérience serait une formidable opportunité d’aller plus loin dans la mise en pratique des principes stoïques, je n’ai pas été déçu !

Retrouvez les détails de l’expédition sur le blog de Lilian Dauzat.

Ecoutez le podcast de Bertrand Soulier: Stoïcisme et sport avec Lilian Dauzat.

Suivre Lilian Dauzat sur Instagram.


Crédits photo: Lilian Dauzat, Tous droits réservés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

×