Tout au long de l’été, Yannick Berthoud, membre de Stoa Gallica, partage sur ce blog sa vision du stoïcisme à travers une série d’articles-témoignages. Cette série d’articles inaugure un nouveau format sur le blog de Stoa Gallica. Par le témoignage très personnel d’une personne qui pratique le stoïcisme, il s’agit de montrer les différentes manières, très concrètes, de se réapproprier le stoïcisme aujourd’hui, au quotidien. Bonne lecture, et bon été!
Maël Goarzin
Lorsque l’accueil extrascolaire qui s’occupe de mon fils m’appela, je m’attendais à ce qu’ils m’annoncent qu’il était malade.
Ce n’était pas le cas.
Les difficultés financières m’ont conduit à des retards de paiements. La commune a donc décidé de l’exclure de la structure jusqu’au solde dû.
Bien que compréhensible, une telle rigidité a autant surpris mon épouse que moi-même. De ce fait naissent différentes contraintes organisationnelles, professionnelles, privées et, bien sûr, des émotions fortes.
Qui dit émotion, dit réactions. Mon épouse et moi différons souvent sur ces dernières.
Sur un plan purement Darwinien, et pour nous permettre de survivre, la surprise va provoquer une réaction d’immobilité, de fuite ou de combat. Elle peut être physique bien sûr, mais également verbal : s’arrêter de parler, détourner la conversation, se révolter.
Cependant, il existe une autre solution : contrôler son émotion.
La contrôler, ce n’est pas être impassible. C’est la vivre, et choisir la réaction appropriée.
Les stoïciens accomplis tels Epictète, Sénèque ou Marc Aurèle nous apportent des enseignements forts utiles qui se prêtent parfaitement à l’exercice.
Eloignez-vous du premier avis
La première réaction à une surprise semblable à celle illustrée ci-dessus ou bien à l’occasion d’un licenciement imprévu ou encore à la suite d’un accident de la route bénin, sera de dramatiser la situation : « Mon dieu, pourquoi moi ? Comment vais-je faire ? Regarde tout ce que ça implique ! »
À toute idée rude, exerce-toi à dire aussitôt : « Tu es une idée, et tu n’es pas tout à fait ce que tu représentes. »[…] Si l’idée est quelque chose qui ne dépend pas de nous, sois prêt à dire : « Cela ne me regarde pas. »
Epictète, Manuel, 1, 5
Bien sûr que cela vous regarde. Vous êtes touché par la situation. Mais comme la situation ne dépend pas, ou plus de vous, vous n’êtes pas obligé de vous sentir blessé. Marc Aurèle le disait ainsi :
Songe que tout n’est qu’opinion, et que l’opinion elle-même dépend de toi. Supprime donc ton opinion ; et, comme un vaisseau qui a doublé le cap, tu trouveras mer apaisée, calme complet, golfe sans vague.
Marc Aurèle, Pensées, XII, 22
Désirez ce qui vous arrive
Maintenant que vous voyez l’événement pour ce qu’il est, et non selon votre représentation subjective de celui-ci, vous pouvez le désirer. Cela peut paraître étrange. C’est pourtant le fondement de cet article et de la thérapeutique stoïcienne. Pour enlever le trouble, il faut travailler nos représentations; préférer une représentation objective à toute autre représentation erronée ou subjective.
Face à une situation, nous avons généralement devant nos yeux rien d’autre que la solution désuète. Elle se présente comme telle car elle est la « routine connue » et donc la source de confort. La tête dans le guidon, nous ne voyons pas les multiples chemins qui bordent le sentier.
Désirer ce qui vous arrive, c’est prendre l’opportunité d’apprendre, d’entreprendre et de se renforcer. Aussi, face à une situation inconfortable, demandez-vous :
- Quel défaut je peux essayer d’effacer ?
- Quelle qualité je peux renforcer ?
- Quelle action je peux entreprendre ?
Vous commencez à transformer la contrainte en opportunité.
En effet, l’intelligence renverse et déplace, pour tendre au but qui la guide, tout obstacle à son activité. Ce qui gênait l’action la favorise ; ce qui barrait ce chemin l’aide à progresser.
Marc Aurèle, Pensées, VIII, 35
On pourrait s’arrêter là, mais le stoïcisme est tourné vers le bien commun :
Ai-je fait cet acte dans l’intérêt commun ? Alors j’en tire profit. Que cette pensée te soit toujours présente, ne l’abandonne en nulle occasion.
Marc Aurèle, Pensées, XI, 4
Ainsi, il devient utile de se poser ces questions en se demandant ce qui me sera autant utile à moi qu’à la communauté.
Le regard neuf que ce processus déclenche apporte des solutions efficaces, parfois surprenantes. Mais vos contraintes sont devenues des opportunités. Pour la petite histoire de famille, nous avons trouvé une solution qui permet à mon épouse de renforcer la confiance en notre fils. Ce dernier a l’occasion de grandir et de se voir accorder plus de responsabilité tout en restant dans un cadre contrôlé et en sécurité.
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