Pourquoi vous devez méditer sur la mort ?

Tout au long de l’été, Yannick Berthoud, membre de Stoa Gallica, partage sur ce blog sa vision du stoïcisme à travers une série d’articles-témoignages. Cette série d’articles inaugure un nouveau format sur le blog de Stoa Gallica. Par le témoignage très personnel d’une personne qui pratique le stoïcisme, il s’agit de montrer les différentes manières, très concrètes, de se réapproprier le stoïcisme aujourd’hui, au quotidien. Bonne lecture, et bon été!

Maël Goarzin


Que feriez-vous si votre médecin vous annonçait qu’il vous reste 3 mois à vivre ?

Vous mettriez de l’ordre dans vos affaires. Vous diriez à vos parents, enfants et amis que vous les aimez. Vous prendriez le temps de vivre chaque jour comme si c’était le dernier.

Méditer sur la mort, c’est choisir d’apprendre à vivre chaque instant, comme le dit l’empereur-philosophe Marc Aurèle :

Il faut, en homme déjà mort et ayant vécu jusqu’au moment présent, vivre le reste de ta vie conformément à la nature.

Marc Aurèle, Pensées, VII, 56

En méditant sur la mort, on prend conscience de la vie. On accepte mieux les moments et on ne fuit pas l’instant où elle se présentera à nous.

Changez la représentation que vous avez de la mort

Selon les cultures, la mort est un événement tragique ou joyeux. Selon les individus, elle est désirée ou crainte.

Les stoïciens définissent les choses par leur jugement sur les choses. Les événements extérieurs et les autres sont des indifférents. Ils ne dépendent pas de nous. Ainsi un événement peut être un indifférent préférable ou non préférable.

Tant que l’on souhaite vivre, la mort est donc un indifférent non préférable. Il ne dépend pas de nous de vivre ou de mourir. Lorsque, vieux ou ayant trop souffert, on cherche à s’éteindre, la mort devient un indifférent préférable.

En occident, nous avons tendance à voir la mort comme quelque chose de triste. Un non préférable. On essaie de la repousser par peur d’elle et de “l’après”. Pourtant, la mort est un processus naturel de la vie. Tout comme le printemps l’est pour l’hiver.

Tout ce qui arrive est aussi banal et familier que la rose au printemps et les fruits en été : de ce genre sont la maladie, la mort, la calomnie, la traîtrise et tout ce qui réjouit ou afflige les insensés.

Marc Aurèle, Pensées, IV, 44

Cherchant à vivre en accord avec la nature, nous devons accueillir ce qui vient à nous sans le craindre.

Ainsi la mort n’a rien de redoutable, sinon elle aurait paru telle à Socrate ; mais le jugement que la mort est redoutable, c’est là ce qui est redoutable.

Manuel d’Epictète, 5

Acceptez la mort comme un événement naturel

Combien de choses ont jusqu’ici vécu des transformations sous vos yeux en vous paraissant tout à fait naturel ? Vos objets usuels, vos comportements, votre corps. La mort n’est qu’une autre de ces transformations naturelles.

Considère sans cesse que tout ce qui naît provient d’une transformation, et habitue-toi à penser que la nature universelle n’aime rien autant que de transformer ce qui est pour en former de nouveaux êtres semblables.

Marc Aurèle, Pensées, IV, 36

Marc Aurèle méditait souvent sur la mort. Dans ses Pensées, on peut y lire à quel point elle était omniprésente. Il se souvenait combien avant lui ont vécu et sont morts, et combien encore vivront et mourront après lui.

Combien d’hommes, qu’on célébrait à l’envi, sont aujourd’hui tombés dans l’oubli ! Et combien, qui les célébraient, ont depuis longtemps disparu !

Marc Aurèle, Pensée, VII, 6

Dans les exercices stoïciens, la résilience face à la perte est un élément important qu’il est possible de pratiquer quotidiennement. Songez d’abord à des objets ou des inconnus jusqu’à se rapprocher de ce qui vous éveille des émotions fortes : parents, amis, vous.

Voilà les réflexions auxquelles tu dois t’appliquer du matin au soir. Commence par les plus petites choses, par les plus fragiles, un pot, une coupe, puis poursuis de la sorte jusqu’à une tunique, à un cabot, à un vieux cheval, à un bout de champ ; de là, passe à toi-même, à ton corps, aux membres de ton corps, à tes enfants, à ta femme, à tes frères. Regarde bien de toutes parts pour tout rejeter loin de toi ; purifie tes jugements pour que rien de ce qui ne t’appartient pas ne s’attache à toi, ne fasse corps avec toi, ne te cause de la souffrance, si on vient à te l’arracher.

Epictète, Entretiens, IV, 1, 111-112

Vivez l’instant présent

En agissant conformément à la nature, en réglant quotidiennement vos affaires, en disant à vos proches que vous les aimez et en vivant l’instant présent, la mort perd de son effroyable. Se faisant, vous vivez plus intensément chaque instant, gagnez en liberté et en joie.

Aussi faut-il disposer notre âme comme si nous y touchions déjà : ne remettons rien au futur, réglons journellement nos comptes avec la vie.

Sénèque, Lettre à Lucilius, 101

Si tu t’appliques à vivre seulement le moment que tu vis, je veux dire le présent, tu pourras passer le temps qu’on te laisse jusqu’à la mort avec calme, bienveillance et reconnaissance envers ton bon Génie.

Marc Aurèle, Pensée, XII, 3

Crédits: Photo de Kenny Eliason sur Unsplash.

2 commentaire

  1. Je n’adhère pas à l’introduction de cet excellent article, celle où on vous annonce qu’il ne vous reste que trois mois à vivre et que la personne concernée se met à vivre sa vie pleinement. C’est un cliché et qui dépends beaucoup de la personne.
    Chaque personne réagit différemment à ce coup de massue.
    J’ai reçu un diagnostique similaire, 6 mois, par 3 médecins différents (2 neurologues dans 2 pays différent et un professeur dans un troisième pays).
    Un coup de massue, vous êtes assommé et l’idée de vivre les jours comme si c’étaient les derniers m’est venue des années après ce diagnostique quand j’ai découvert le stoïcisme.
    Je suis extrêmement chanceux d’être encore là mais avant de le reconnaître c’était des années de questionnements, d’apitoiements, de peur, de colère et de pleurs.
    Étant donné que c’est une maladie, j’ai vu beaucoup de mes compagnons d’infortune partir, peu d’entre eux ont essayé de vivre au jour le jour dans les premiers temps, il faut des mois pour se faire une raison, pour s’organiser, pour essayer de vivre au mieux ces derniers mois et 3-6 mois c’est bien trop court pour la majorité des personnes.
    Ceci étant dit, votre article mériterait d’être partagé avec le plus de monde possible car peu réalise vraiment que dès notre naissance nos jours sont comptés…

    1. Merci pour votre retour !

      Bien sûr, cela dépend de chaque personnalité et cité toutes les réactions possibles auraient été trop long. Il fallait faire un choix :D.

      Je compatis à votre sort et vous félicite de votre vision concernant votre parcours ainsi que du courage dont vous avez surement fait preuve jusque-là.

      Merci pour votre échange.

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