Stoïcisme et Bushido, même combat ?

Épisode 4 : Les insultes

Dans cette petite série estivale, je vous propose de comparer en quelques citations les points de vue d’auteurs stoïciens romains avec ceux de moines bouddhistes ou de samouraïs japonais sur des thèmes qui vous seront familiers.

Dans ce quatrième épisode, nous allons voir comment réagir face aux insultes, selon que l’on porte un hakama ou une toge.

Précisons d’emblée que les moines, les samouraïs et les stoïciens réprouvent tous l’usage de l’insulte et de la provocation. C’est faire la preuve que l’on est l’esclave de ses émotions au lieu de les maîtriser.

« Se comparer aux autres, entrer en compétition avec eux et les critiquer vous affaiblit et vous mène à la défaite. »

Morihei Ueshiba, L’art de la Paix, p.19

Et quand quelqu’un commet une erreur de bonne foi, rien ne sert non plus de s’agacer. Il n’y a guère que deux chemins possibles : « instruis-les donc ou supporte-les » nous dit Marc-Aurèle[1].

À condition toutefois de faire preuve de tact ! En Asie, il est encore aujourd’hui extrêmement mal vu de faire perdre la face à quelqu’un, c’est-à-dire de l’humilier publiquement par des critiques. Comme le souligne Yamamoto Tsunetomo,

« Faire honte aux autres en leur jetant leurs erreurs au visage ne profite à personne. […] »

Il ajoute qu’on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif :

Avant de sermonner quelqu’un, il faut d’abord juger de l’état d’esprit de ce dernier pour savoir s’il est assez ouvert pour recevoir vos admonestations. »

Yamamoto Tsunetomo, Hagakure, I, p.53

Mais comment réagir lorsqu’on on est soi-même la victime de critiques virulentes ou d’injures? Nous allons voir que tous ne sont pas d’accord, loin s’en faut.

Les samouraïs estiment que la réponse doit fuser, de peur d’être accusé de mollesse :

« Lorsque que quelqu’un vous traite d’imbécile, il vous suffit de répondre en le traitant à votre tour d’idiot. […] Demeurer bouche cousue en toutes circonstances n’est qu’une forme de lâcheté.»

Yamamoto Tsunetomo, Hagakure, VII, p.214

De même, pour Diogène, les coups appellent les coups et les insultes des répliques à leur mesure. Après avoir été rossé par un malotru  connu pour ses faits de violence, il retourne confronter son agresseur dès le lendemain et lui inflige une correction comparable[2]. Une autre fois, il lance à un homme chauve qui l’a insulté :

« Je ne veux pas être insolent envers toi, mais je félicite tes cheveux d’avoir abandonné une sale tête. »

Diogène Laërce, VI, 37, in Michel Onfray, Cynismes, p.93

Démétrius s’avère plus mesuré et nous conseille de simplement ignorer les remarques des ignorants :

« Qu’ils parlent ou qu’ils pètent, c’est la même chose. »

Démétrius le cynique, cité par Lucien Jerphagnon dans une lettre à Michel Onfray

Morihei Ueshiba, le fondateur de l’aïkido, souligne à son tour que répondre à l’injure par l’injure, ce serait tomber dans le jeu de la confrontation auquel nous pousse l’adversaire :

« Comme je ne m’oppose pas, je suis gagnant dès le départ. Ceux qui ont de mauvaises intentions sont neutralisés. »

Morihei Ueshiba, L’art de la paix, p.34

Pour les stoïciens, la chose est encore plus simple. Vous vous croyez insultés ? C’est votre problème ! « On ne te fera du tort que si tu estimes qu’on te fait du tort » nous dit Épictète, avant de préciser sa pensée  :

« Quand un homme te fait du tort ou parle mal de toi […], il ne nuit qu’à lui-même et vit seul dans l’erreur. »

Epictète, Manuel, XXX et XLII

Répondre aux vexations physiques ou verbales a de tout temps constitué un dilemme. Faut-il se laisser marcher sur les pieds et tendre l’autre joue ? Appliquer la loi du Talion et répliquer œil pour œil ? Ou bien encore se montrer impitoyable, comme Romulus qui tue son frère Remus après que celui-ci ait franchi par provocation la frontière inviolable qu’il avait tracé sur le sol ?

Rappelons que pour le stoïcien, la tempérance est l’une des vertus cardinales. Sa prescription en pareil cas pourrait se résumer à trois principes :

  • Conserver sa sérénité vaut mieux qu’administrer une leçon qui ne sera pas entendue.
  • Les insultes et les critiques, si elles sont dépourvues de fondement, doivent être ignorées
  • Le recours à la force doit être protecteur et non punitif

À tous ceux qui prennent la route des vacances, vous êtes chanceux : vous aurez certainement de nombreuses opportunités pour vous y exercer derrière votre volant !


[1] Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, VIII, LIX

[2] Jean-Manuel Roubineau, Diogène l’antisocial, p.162

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