Si vous allez à la salle de sport et demandez à votre entraîneur comment obtenir des résultats rapides – sans trop d’efforts s’il vous plaît! – que va-t-elle dire? D’abord, elle pourrait vous proposer d’aller faire de la chirurgie esthétique, c’est sûrement le moyen le plus rapide de changer votre aspect physique! Et puis, blague à part, elle vous donnerait quelques exercices mais surtout, vous conseillerait de vous entraîner régulièrement, ce qui demande un minimum d’efforts. Elle vous dirait aussi que la forme ne se conquiert pas en une semaine. Il va falloir de l’entraînement et du temps.
Lorsqu’il a commencé sa dépression, un médecin a dit à mon mari qu’il en aurait pour deux ans. Cela l’a soulagé. Il m’a confié, quelques années après : « Chaque fois que je me sentais déprimé, je me disais : c’est comme si j’allais à la gym. Les moments difficiles, c’est comme les séances d’entraînement. Quand on y est, on souffre. Mais tu sais que ça sert à quelque chose. C’est comme ça que votre corps se remet en forme – et ton esprit aussi. » Peut-être devrions-nous reconnaître que le changement prend du temps.
Mon métier consiste à aider les équipes au sein d’organisations privées ou publiques à redonner du sens à ce qu’elles vivent et ce qu’elles font, par la réflexion et le dialogue philosophique. Depuis le début de la pandémie, nombre d’entre elles traversent des moments difficiles. Leurs modèles d’entreprise, leurs objectifs et la façon dont les équipes travaillent ensemble pour les atteindre sont en pleine mutation. Et bien que toutes les personnes avec lesquelles je travaille apprécient la philosophie – elles estiment qu’il est important de prendre le temps de réfléchir au sens de ce qu’elles font – à un moment donné de la conversation, la question se pose sans ambiguïté : « Nous sommes dans le monde du travail, nous devons changer rapidement et de préférence sans douleur. Quel genre de résultats concrets et rapides pouvons-nous espérer après un atelier philosophique? Y a-t-il une boîte à outils que vous pouvez nous donner? »
J’ai donc envie de leur donner les mots d’Epictète :
Ce sont les difficultés qui révèlent les hommes. Aussi, quand survient une difficulté, souviens-toi que Dieu, comme un maître de gymnase, t’as mis aux prises avec un jeune et rude partenaire.
Epictète, Entretiens I, 24, 1-2, ed. Les Belles Lettres
– A quelle fin?
– Pour que tu deviennes champion aux jeux Olympiques ; et on ne le devient pas sans suer. A mon avis, personne n’a eu à affronter une meilleure difficulté que toi, pourvu que tu veuilles te mesurer à elle comme un athlète avec un jeune partenaire.
Changer prend du temps, mais plus que cela, changer demande de l’entraînement. De la répétition. Un atelier philosophique peut susciter une prise de conscience et peut planter la graine du changement. Mais ce n’est pas parce que nous savons qu’il serait préférable de ne pas se mettre en colère, de lâcher-prise et de faire confiance que nous agissons ainsi. Ce n’est pas parce qu’une entreprise clame qu’il faut devenir agile, susciter la prise d’initiative et l’engagement, que ses dirigeants et managers le sont ou le deviennent. Changer demande d’y penser. Pourquoi devrions-nous être comme ceci, qu’est-ce que cela signifie, pourquoi est-ce si difficile? Et puis, si nous sommes persuadés que c’est une bonne chose, nous devons nous entraîner à devenir ce que nous aimerions être. C’est en notre pouvoir.
Crédits: Photo by You X Ventures on Unsplash.