Le texte ci-dessous est la traduction française d’un texte de Massimo Pigliucci, The Stoic pledge, paru sur son blog, How to be a stoic. Dans cet article, traduit par Jérôme Robin, l’auteur nous donne un exemple de la manière dont on peut concrètement mettre en pratique le stoïcisme dans sa propre vie, à travers 13 règles de conduite à suivre au quotidien. Nous remercions Massimo Pigliucci de nous avoir donné l’autorisation de publier la traduction de ce texte, qui fait largement écho à l’article de Donald Robertson consacré aux règles à suivre pour se comporter en stoïcien sur les réseaux sociaux.


L’engagement stoïcien

Par Massimo Pigliucci

Le stoïcisme est une philosophie de vie visant – comme toutes les philosophies hellénistiques, mais aussi le bouddhisme, le confucianisme, le christianisme et un certain nombre d’autres philosophies et religions – à fournir à la fois un cadre général et des directives spécifiques sur la façon de vivre. Au cours des deux dernières années et demie, j’ai pris cette philosophie très au sérieux, non seulement en ce qui concerne l’étude des auteurs anciens et modernes, mais aussi et surtout en termes de pratique. Après tout, comme le dit Épictète : « Si tu n’as pas appris ce que tu sais pour le mettre en œuvre, pourquoi l’as-tu appris? » (Entretiens, I, 29.35, trad. É. Bréhier)

Par conséquent, il est bon, de temps à autre, d’examiner exactement ce à quoi l’on s’engage en tant que stoïcien (ou épicurien, bouddhiste, confucéen, chrétien, etc.). Ce qui suit reflète mon propre engagement à vivre en stoïcien, tout en continuant à progresser dans l’étude de la philosophie. Les éléments constituant « l’engagement » (envers moi-même) ci-dessous ne doivent pas être interprétés comme étant la seule, ni même la principale façon d’agir en stoïcien. Les stoïciens étaient en désaccord sur de nombreux points et, bien sûr, le stoïcisme est une philosophie, et non une religion ; il n’y a donc pas de textes sacrés, de commandements visant à structurer de manière rigide notre vie. Mais pour les lecteurs intéressés à prendre au sérieux le stoïcisme comme philosophie de vie, l’engagement ci-dessous peut être un modèle décent à garder à l’esprit, et peut être adapté selon les besoins et les opinions de chacun(e). Chaque point de l’engagement est soutenu par une citation appropriée des stoïciens antiques, qui sont, pour notre fraternité / sororité, la source originale de la sagesse.

En tant que progressant (prokopton), je m’engage à suivre ces préceptes et règles de conduite :

1. La chose la plus importante dans ma vie est la pratique de la vertu, afin de vivre en accord avec la nature.

« De même, la volupté n’est pas le salaire ni la cause de la vertu, mais un accessoire : on ne l’agrée pas parce qu’elle charme, mais, si on l’agrée, elle charme aussi. » (Sénèque, La Vie Heureuse, IX, trad. A. Bourgery révisée par P. Veyne)

2. Je ne serai pas découragé(e) par les échecs dans ma pratique. Je me lèverai le matin et essaierai à nouveau.

« Si tu es confronté à quelque chose de pénible ou d’agréable ou encore qui apporte ou au contraire n’apporte pas bonne réputation, souviens-toi que c’est maintenant qu’a lieu le combat, que c’est maintenant que se déroulent les Jeux Olympiques, qu’il n’est plus temps de reculer, et que l’anéantissement aussi bien que le salut de ton progrès moral dépendent d’un seul jour, d’une seule circonstance. » (Epictète, Manuel, 51.2, trad. P. Hadot)

3. Je ferai de mon mieux pour me comporter de manière éthique, indépendamment de la popularité de mes jugements et de mes actions.

« Je ne ferai rien pour l’opinion, tout pour ma conscience. » (Sénèque, La Vie Heureuse, XX, trad. A. Bourgery révisée par P. Veyne)

4. Je m’inquièterai pour le bien-être de toute l’humanité, indépendamment du sexe, de l’appartenance ethnique, de la religion ou de la conviction politique.

« Travaille, non comme un misérable, ni comme un homme qui veut se plaindre ou admirer, mais borne ta volonté à te mettre en mouvement et à t’arrêter selon ce qu’en décide la raison de la cité. » (Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, Livre IX.12, trad. A.-I. Trannoy)

5. Je rejetterai le nationalisme et toute autre forme de vision paroissiale de l’humanité. Mon credo est celui du cosmopolitisme.

« Moi, je regarderai toutes les terres comme miennes, les miennes comme celles de tous. » (Sénèque, La Vie Heureuse, XX, trad. A. Bourgery révisée par P. Veyne)

6. Je m’abstiendrai autant que possible de juger les actions des autres personnes, surtout sans avoir une bonne appréciation de leurs motivations.

« Quelqu’un se baigne rapidement ; ne dis pas : Il se baigne mal, mais : Il se baigne rapidement. Quelqu’un boit beaucoup de vin, ne dis pas : Il boit mal, mais : Il boit beaucoup de vin. Car, avant de savoir le jugement qui détermine son action, comment peux-tu savoir qu’il agit mal ? » (Epictète, Manuel, 45, trad. P. Hadot)

7. Je cultiverai des amitiés véritables parce qu’elles sont importantes pour une vie épanouie.

« Demande-toi longtemps si tu recevras un tel dans ton amitié. La décision prise, accueille-le de plein cœur. Converse avec lui aussi hardiment qu’avec toi-même. » (Sénèque, Lettres à Lucilius, Lettre 3, 2, trad. H. Noblot révisée par P. Veyne)

8. Je traiterai tout le monde avec bonté et respect.

« Agréable à mes amis, doux et indulgent envers mes ennemis, je me laisserai fléchir avant d’être prié et j’irai au-devant des requêtes honorables. » (Sénèque, La Vie Heureuse, XX, trad. A. Bourgery révisée par P. Veyne)

9. Je ferai de mon mieux pour contribuer au débat sur des sujets importants, tout en évitant de donner des leçons ou de devenir autoritaire.

« Garde le silence, la plupart du temps, ou alors ne dis que les choses nécessaires et en peu de mots ; rarement, lorsque l’occasion parfois y invite, nous en viendrons à dire quelque chose, mais pas sur des choses sans importance, pas sur les combats de gladiateurs, les courses de chevaux, les athlètes, les mets ou les boissons – thèmes sur lesquels on bavarde partout -, et surtout, pas sur les gens, pour en faire la critique ou l’éloge, ou encore les comparer entre eux. Si cela t’est possible, ramène tes propos et ceux de tes compagnons à ce qui est convenable. Mais si tu te trouves seul parmi des étrangers, garde le silence. » (Epictète, Manuel, 33.2-3, trad. P. Hadot)

10. Je suivrai un régime simple, en grande partie végétarien, parce qu’il est sain (et aide ainsi à la pratique de la vertu), il a un impact plus faible sur l’environnement, et réduit les douleurs et souffrances inutiles dans le monde.

« Tout comme on doit choisir des aliments peu coûteux plutôt que des aliments coûteux, et des aliments faciles à obtenir plutôt que des aliments difficiles à obtenir, il faut choisir des aliments convenables à un être humain plutôt que des aliments non convenables. Et ce qui nous convient, c’est la nourriture provenant de ce que la terre produit: les diverses céréales et autres plantes peuvent nourrir assez bien un être humain. Tout autant nourrissante est la nourriture provenant des animaux domestiques que nous n’abattons pas. » (Musonius Rufus, Entretiens, 18a, trad. A.J. Festugière)

11. Je cultiverai une attitude d’indifférence envers les possessions matérielles.

« Tout ce que j’aurai, je n’en ferai ni économie sordide ni gaspillage. » (Sénèque, La Vie Heureuse, XX, trad. A. Bourgery révisée par P. Veyne)

12. J’adopterai un style de vie raisonnablement minimaliste.

« D’une façon générale l’excellence et la mauvaise condition des meubles doit être correctement jugée d’après trois critères, l’acquisition, l’usage et la conservation. Tout ce qui est ou difficile à acquérir ou impropre à l’usage ou malaisé à garder, est de moins bonne sorte. Ce que nous acquérons sans difficulté, ce dont nous louons l’usage facile, ce que nous gardons aisément, est de meilleure sorte. » (Musonius Rufus, Entretiens, 20.3, trad. A.J. Festugière)

13. Je me rappellerai que, comme nous devons supporter les coups délivrés par la Fortune, nous devons aussi nous réjouir des dons qu’elle nous accorde.

« Il faut également se promener en pleine campagne, car le ciel libre et le grand air stimulent et avivent l’âme ; quelquefois un déplacement, un voyage, un changement d’horizon lui donneront une vigueur nouvelle, ou encore un bon repas avec un peu plus de boisson que de coutume. On peut même pousser à l’occasion jusqu’à l’ivresse, en lui demandant non pas l’abrutissement, mais le calme : car elle dissipe les soucis, modifie totalement l’état de l’âme et guérit la tristesse, comme elle guérit certaines maladies. » (Sénèque, La Tranquillité de l’Âme, XVII, trad. R. Waltz révisée par P. Veyne)


Crédits: Photo by Caleb George on Unsplash.

2 commentaire

  1. […] Cet article est une traduction en français d’un article de Donald Robertson, « A Manifesto for Modern Stoic Communities ». Cet article, traduit par Maël Goarzin, propose 20 règles à suivre pour se comporter en stoïcien sur internet et en particulier dans les communautés virtuelles regroupant les personnes intéressées par l’étude et la pratique d’un stoïcisme contemporain. Nous remercions Donald Robertson de nous avoir donné l’autorisation de publier la traduction de ce texte, qui fait largement écho à l’article de Massimo Pigliucci sur les règles de conduite à adopter pour vivre en stoïcien aujourd’hui. […]

  2. Borraccino Anthony

    Cela me semble être un grand raccourci et une interprétation de la pensée stoïcienne. Ces « engagements » sont le fruit d’une idéologie progressiste adaptée à notre société moderne. Il serait nécessaire de considérer le contexte romain et leur idéologie. Par exemple, parlé d’anti-nationalisme alors Rome était impérialiste et leur volonté était d’unir le monde autour de la « nation » Rome.
    Vraiment pas convaincu…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

×