Ma rencontre avec le stoïcisme
Longtemps je fus un stoïcien qui m’ignorait. Un stoïcien contrarié. Très jeune, j’eus certaines intuitions, mais tant le contexte familial que l’absence de philosophes antiques dans la bibliothèque parentale me les firent négliger. Sans le savoir encore, j’empruntais les voies d’une longue errance philosophique — un peu plus de vingt ans. Les fausses routes — douloureuses, parfois — furent fécondes.
Les premières rencontres qui s’approchèrent de cet idéal d’être la sculpture de Soi furent les Dandies. Ces maîtres des vaines élégances, impassibles et impavides, me paraissaient être des néo-stoïciens. La suprématie de la volonté et la création de soi me fascinaient en cette doctrine des apparences. Méconnaissant le stoïcisme, j’était incapable de comprendre que la puissance de cette volonté s’exerçait à mauvais escient. Cette méprise renforcée par la rencontre de Barbey d’Aurevilly m’enfoncèrent dans les voies d’un catholicisme décadent. J’y rencontrai Huysmans et Bloy. Leurs esthétiques tourmentées m’imprégnèrent — et m’imprègnent encore —, mais m’égarèrent davantage. Je pré-sentais confusément que cette décadence, fut-elle catholique, était sans issue.
Nietzsche et son Surhumain m’initièrent à la philosophie. À leur contact, je me dépouillais de mes corsets dogmatiques et recouvrais mon intuition originelle. Celle de la création de Soi. En parallèle de cette étude, j’explorais — paradoxe trop humain ? — les voies alchimiques. La longue nuit hermétique, que je traversai, me fit rencontrer la symbolique — ce puissant révélateur des ombres humaines — et C.G. Jung. Une assidue fréquentation du LabOratoire alchimique me fit comprendre le Surhumain nietzschéen en me révélant le sens de la première phrase de l’obscure Table d’Émeraude : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut. Et ce qui est en haut et comme ce qui est en bas ».
La voie paradoxale était accomplie. Et j’attendais l’étincelle, qui ordonnancerait ce chaos intérieur.
Ce fut la rencontre de Pierre Hadot. Très tôt, ses livres furent présents dans mes réflexions, mais je rejetais son enseignement a priori. J’en ignore encore les raisons, mais peu importe. J’étais enfin prêt à le recevoir. Et la relecture de son œuvre fut mon acte de conversion stoïcien. Dès cet instant, inspiré principalement par Épictète, je structure mon quotidien d’exercices spirituels.
Stoïcisme et tarologie
En un sens, cette observation de Soi et l’incessant dialogue intérieur, que stimulent l’ascèse stoïcienne, sont la visite de la terre intérieure du V.I.T.R.I.O.L. alchimique. La rectification de la pierre est l’affermissement de la volonté. Cet étrange parallèle — peut-être ? — réalise cette tension fondatrice de la psyché humaine — que d’une certaine façon explora aussi C.G. Jung — entre ce qui se voit [la raison, le logos] et ce qui est dissimulé [l’inconscient, les ombres].
Dans ce souci de cohérence — si importante pour celui qui erra longtemps —, j’ai intégré patiemment ma pratique philosophique à celle du Tarot. Une précision brève, mais sans ambiguïté, s’impose. Je ne pratique pas les arts divinatoires [taromancie], ma lecture des lames est analytique [tarologie]. Imprégné des rigueurs ésotériques de C.G. Jung — un mentor — mes pratiques guérisseuses de la psyché se fondent sur le symbolisme si puissant du Tarot pour, ainsi, libérer les ombres de l’inconscient et — au terme d’un processus d’incubation — les assimiler et les dépasser pour se créer dans l’à-venir.
La création de Soi s’invite encore. Dans un certain sens, mes pratiques tarologique et philosophique s’éloignent des processus, si contemporains, du développement personnel. La métaphore platonicienne de la caverne éclaire, me semble-t-il, cette distinction. Le développement personnel est une façon de rendre supportable l’insupportable défilé des ombres projetées. L’enjeu — et il est légitime — est de trouver un apaisement, une guérison, au mal-être du quotidien. La création de Soi, au-delà de ce premier seuil, est une invitation à se lever et à quitter la projection des ombres chinoises pour voir ce qu’il y a hors de la camera obscura. On le comprend, le travail n’est pas simplement thérapeutique, il s’inscrit dans un processus de connaissance de Soi et du cosmos.
Chypre Rouge
Ce double enjeu s’inscrit dans mes pratiques, mes transmissions et mes enseignements, dont mon blog, ChypreRouge, est le vecteur principal. Si les chroniques écrites entremêlent le Tarot, l’Alchimie et la Philosophie, depuis quelques semaines, je réalise régulièrement un commentaire filmé du Manuel d’Épictète. L’ambition de cette diffusion est de passer simplement une connaissance patiemment acquise au fil du temps [de mon errance philosophique]. À cela s’ajoute la réunion hebdomadaire d’un groupe que j’anime — L’Atelier. À l’origine centré sur le seul Tarot, j’ai souhaité en élargir les réflexions aux exercices spirituels. Un cycle de cinq semaines consacré à la vie en conscience s’est achevé le 23 juin dernier. L’envie de transmettre est ancrée profondément en moi, aussi, au fil du temps et des propositions, je me consacrerai— sous quelque forme que se soit [chroniques, conférences, essais, etc.] — à la redécouverte d’une philosophie si essentielle.
[…] la démarche qui structure tant mes pratiques que cet enseignement, je vous invite à lire le portrait récemment diffusé sur Stoa Gallica et la présentation, qui figure sur […]
[…] Rouge – Blog sur lequel Blaise-Alexandre Lecomte commente le Manuel d’Epictète de manière continue. On y trouve également des informations […]
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[…] Rencontres sont organisées par Blaise-Alexandre Le Comte et Maël Goarzin, membres de Stoa […]