Utiliser les rôles pour faire face à l’adversité

Ce texte est une traduction en français, par Maël Goarzin, de l’article de Harold Kavli, “Using roles to deal with adversity” paru au mois de juillet 2024 dans le magazine The Stoic. Nous remercions l’auteur de cet article et l’éditeur de The Stoic de nous avoir donné l’autorisation de traduire ce texte et de le publier ici.


Utiliser les rôles pour faire face à l’adversité

Si nous considérons que notre objectif est de bien jouer notre rôle, de nombreuses difficultés de la vie deviennent beaucoup plus faciles à surmonter.

Première étape : le défi du matin

Parfois, sortir du lit est un véritable défi. Même pour Marc Aurèle, cela pouvait être difficile :

Au petit matin, quand il t’en coûte de te réveiller, aie toute prête cette pensée : c’est pour faire œuvre d’homme que je m’éveille. Serais-je donc encore de méchante humeur si je m’en vais faire ce pour quoi je suis né et en vue de quoi j’ai été mis dans le monde ? (Marc Aurèle, Écrits pour soi-même, V, 1, traduit par A. Giavatto et R. Muller)

Ce qui me semble très intéressant ici, c’est que Marc Aurèle utilise l’idée de rôle dans le but de surmonter un obstacle, même s’il s’agit ici d’un obstacle plutôt banal. Je pense depuis longtemps que le concept de rôle est un concept important dans le stoïcisme.

Les rôles que nous jouons

L’idée que nous jouons tous des rôles différents, et que ces rôles influencent ce que nous devons ou ne devons pas faire, tend à mettre les choses en perspective, ce qui peut être très utile lorsque nous sommes confrontés à une difficulté. Le rôle d’un être humain est celui d’un être social et rationnel, « car nous sommes nés pour coopérer, comme les pieds, les mains, les paupières ou les deux rangées de dents, celle du haut et celle du bas » (Marc Aurèle, Écrits pour soi-même, II, 1).

De telles réflexions ont une utilité qui va bien au-delà du simple fait de sortir de son lit. Lorsque nous sommes confrontés à l’adversité – ce qui est le cas, à des degrés divers, plusieurs fois par jour -, réfléchir à notre rôle et à notre fonction en tant qu’être humain peut nous sauver de l’apitoiement, de la colère et d’autres émotions néfastes.

Bien que je pense que notre rôle d’être humain est et devrait être notre rôle principal, il est tout à fait possible et probablement bénéfique d’essayer d’étoffer les autres rôles que nous jouons dans la vie. Nous choisissons plus ou moins nous-mêmes certains d’entre eux, comme notre profession, l’étude d’une discipline spécifique, l’amitié avec certaines personnes, etc. D’autres ne sont pas le résultat d’un choix, comme le fait d’être le fils ou la fille de tels ou tels parents, d’être né dans tel ou tel pays, ou encore le rôle d’être humain mentionné plus haut.

Même les rôles les plus anodins peuvent nous aider à faire face à l’adversité, et Épictète nous donne un excellent exemple de cela dans les Entretiens. Le sénateur et philosophe stoïcien Helvidius Priscus avait été prié par l’empereur Vespasien de ne pas assister à une réunion du Sénat, ce à quoi Priscus répondit : « Il dépend de toi de m’interdire d’être sénateur ; mais aussi longtemps que je le suis, il me faut aller au Sénat ». Lorsque Vespasien lui demande tout au moins de se taire et que Priscus refuse, Vespasien menace de le faire exécuter s’il parle, ce à quoi Priscus répond : « Quand donc t’ai-je dit que j’étais immortel ? Tu feras ce qu’il te revient de faire, et moi ce qui me revient. À toi de me faire mettre à mort, à moi de mourir sans trembler ; à toi de m’envoyer en exil, à moi de m’en aller s’en m’affliger » (Épictète, Entretiens, I, 2, Traduit par R. Muller).

Notre objectif : bien jouer nos rôles

Nous voyons à travers cet exemple une excellente façon d’utiliser l’un de nos rôles pour faire face à l’adversité et replacer les événements dans leur juste perspective. De plus, si nous considérons que notre objectif est de bien jouer notre rôle, de nombreuses difficultés de la vie deviennent beaucoup plus faciles à surmonter. Composer avec des personnes difficiles, avec la mort, avec la maladie et avec les parties les plus sombres de notre propre psyché sont des défis que nous devrons probablement relever tant que nous serons en vie. Il est toutefois possible de considérer que notre plus grand bien consiste à bien jouer nos rôles, et qu’une partie de cela consiste à apprendre à relever les différents défis que la vie nous lance. Cela ne fera pas disparaître toutes les choses que la plupart des gens considèrent comme des obstacles, mais il sera plus facile d’y faire face.


Crédits: Cicéron dénonce Catilina devant le Sénat romain, par Cesare Maccari, domaine public.

Maël Goarzin

Docteur en philosophie, auteur du carnet de recherche Comment vivre au quotidien: https://biospraktikos.hypotheses.org/

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