Comment ne plus être en colère grâce au stoïcisme

Tout au long de l’été, Yannick Berthoud, membre de Stoa Gallica, partage sur ce blog sa vision du stoïcisme à travers une série d’articles-témoignages. Cette série d’articles inaugure un nouveau format sur le blog de Stoa Gallica. Par le témoignage très personnel d’une personne qui pratique le stoïcisme, il s’agit de montrer les différentes manières, très concrètes, de se réapproprier le stoïcisme aujourd’hui, au quotidien. Bonne lecture, et bon été!

Maël Goarzin


J’étais une personne très colérique. J’arrivais facilement à identifier la cause de mon émotion et la gérer. Mais une fois exprimée… La vanne était ouverte et plus rien ne m’arrêtait.

Grâce au stoïcisme, je ressens beaucoup moins cette tension dans mon estomac et les instants de colère durent bien moins longtemps.

Faites preuve de tempérance

Dès que je ressentais une injustice, le volcan pouvait exploser.

Pourquoi dit-il cela ?
Qu’est-ce qui lui donne le droit de … ?
Regarde ce qu’il fait !
Bah…je prendrai sur moi, encore…

Chez moi, ces quelques pensées sont suffisantes pour déclencher la colère.

En découvrant le stoïcisme, on tombe très rapidement sur le point névralgique de cette doctrine, la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas :

Des choses, les unes dépendent de nous, les autres ne dépendent pas de nous. Ce qui dépend de nous, ce sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions, en un mot tout ce qui est opération de notre âme ; ce qui ne pas dépend pas de nous, c’est le corps, la fortune, les témoignages de considérations, les charges publiques, en un mot tout ce qui n’est pas opération de notre âme.

Manuel d’Epictète, 1, 1

Ce qu’il faut comprendre avec les émotions, c’est qu’elles sont une interprétation, un jugement provoqué par un événement touchant l’un ou plusieurs de nos 5 sens. Or, le dit Epictète, le jugement dépend de nous.

Ainsi, à toute idée rude, exerce-toi à dire aussitôt : “Tu es une idée, et tu n’es pas tout à fait ce que tu représentes.” Puis examine-la, applique les règles que tu sais, et d’abord et avant toutes les autres celle qui fait reconnaître si quelque chose dépend ou ne dépend pas de nous ; et si l’idée est relative à quelque chose qui ne dépende pas de nous, sois prêt à dire : “Cela ne me regarde pas.”

Manuel d’Epictète, 1, 5

Vous pourriez vouloir qu’une personne ne dise pas ce qu’elle dit ou ne fasse pas ce qu’elle fait. Vous pourriez désirer qu’un événement ne se soit jamais produit. Vous pourriez penser qu’en vous sacrifiant, cela résoudra une situation. Tout cela est vain.

Si ce qui vous trouble est arrivé à la suite d’une action de votre part, ne vous sentez pas coupable. Désormais, l’événement est présent en tant que tel. Modifiez donc le jugement sur ce dernier car c’est lui qui vous perturbe.

Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses.

Manuel d’Epictète, 5

Ainsi, lorsque vous sentez grandir en vous la colère, questionnez-vous sur son origine : quel jugement portez-vous vis-à-vis de ce qui l’a fait naître ? Est-ce que cet événement dépend vraiment de moi ?

Une première étape est franchie, vous vous distancez de l’élément déclencheur de l’émotion. Cependant, au moment même où vous vous posez la question, l’émotion existe déjà.

Il faudra apprendre à la dompter si l’on ne veut pas lui laisser place :

Effacer ce qui est imagination ; réprimer l’impulsion ; éteindre le désir ; rester maître de sa faculté directive.

Marc Aurèle, Pensées, IX, 7

Faites preuve de prudence

La colère naît du jugement selon lequel quelque chose est contre vous. Mais comment pouvez-vous être sûr que c’est réellement le cas ?

Quelqu’un se baigne de bonne heure : ne dis pas que c’est mal ; dis que c’est de bonne heure. Quelqu’un boit beaucoup de vin : ne dit pas que c’est mal ; dit qu’il boit du vin. Car, avant d’avoir reconnu comment il en juge, d’où peux-tu savoir si c’est mal ? Ainsi, il ne t’arrivera pas d’avoir des idées évidentes de certaines choses et d’acquiescer à d’autres.

Manuel d’Epictète, 45

En méditant sur cette précédente maxime, vous vous accordez d’une part le droit de voir l’événement tel qu’il est et d’autre part, de ne pas céder à vos pensées primaires.

Quand on te maltraite ou qu’on t’injurie, souviens-toi que celui qui parle ou agit ainsi croit que c’est son office. Il ne peut pas suivre ta manière de voir, il ne peut que suivre la sienne ; en sorte que, s’il a tort, c’est pour lui qu’il y a dommage, puisque c’est lui qui est dans l’erreur.

Manuel d’Epictète, 42

Faites preuve de justice

On est souvent injuste par omission, et non pas seulement par action.

Marc Aurèle, Pensées, IX, 4

Accordez le pardon, à vous et aux autres.

Mais Il m’a volontairement fait du mal !
– Jugement !

Les gens cherchent à être heureux et c’est généralement ce qui les poussent à commettre volontairement ou non des erreurs :

Lorsqu’un homme a commis une faute contre toi, considère aussitôt quelle opinion il se fait du bien ou du mal pour avoir commis cette faute. Lorsque tu le sauras, en effet, tu auras pitié de lui, et tu n’éprouveras ni étonnement ni colère. Car, ou bien, toi aussi, tu te fais encore la même opinion que lui sur le bien, ou une autre analogue, et il faut donc lui pardonner. Mais si tu ne partages plus ses opinions sur le bien et le mal, tu seras plus facilement bienveillant à celui qui les distingue mal.

Marc Aurèle, Pensées, VII, 26

Faites preuve de sagesse

Lorsqu’il y a une confrontation, vous pouvez soit vous dire que c’est une mise en difficulté pour la pratique, soit en faire une opportunité :

À chaque occasion qui se présente, replie-toi sur toi-même et cherche quelle faculté tu as en toi-même pour te conduire. […] Si tu prends cette habitude, tes idées ne t’emporteront pas.

Manuel d’Epictète, 10

Avez-vous déjà observé à quel point il est facile de céder à chaque frustration ? Bien sûr, votre entourage ne verra que les fois où vous avez cédé à la colère.

Eviter ces frustrations, où “tuer l’émotion dans l’œuf” peut être fait en s’y préparant et en se mettant au même niveau que son prochain. Aussi, Marc Aurèle méditait chaque matin :

Dès l’aurore, dis-toi par avance : “Je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable. Tous ces défauts sont arrivés à ces hommes par leur ignorance des biens et des maux. […] je ne puis éprouver du dommage de la part d’aucun d’eux, car aucun d’eux ne peut me couvrir de laideur. […] Se comporter en adversaire les uns des autres est donc contre nature.

Marc Aurèle, Pensées, II, I

Conjointement, la préméditation des maux est une excellente méditation pour repérer à l’avance les petites frustrations du quotidien. En vous y préparant, vous y serez moins sensible.

Restez ferme

Accepter et pardonner n’est pas autoriser. Si nécessaire, le désaccord doit être exprimé, il peut l’être d’une voix ferme, mais sans l’influence de la colère.

Enfin, je vous encourage vivement à lire De la colère, du stoïcien Sénèque. Bien qu’il ne soit pas cité dans cet article, ce sont ses lettres qui m’ont permis de synthétiser et mettre en pratique la démarche présentée ici.

Je vous invite également à lire les articles sur la colère provenant des textes de Sénèque.


Crédits: Photo de Andre Hunter sur Unsplash

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