Nous avons tous en nous la capacité de progresser

Ce texte est une traduction en français, par Michel Rayot et Maël Goarzin, de l’article de Christopher Gill, “You have an in-built capacity to make progress“, paru au mois de juillet 2020 dans le magazine The Stoic. Nous remercions l’auteur de cet article et l’éditeur de The Stoic de nous avoir donné l’autorisation de traduire ce texte et de le publier ici.

Christopher Gill est professeur émérite de philosophie antique à l’Université d’Exeter ; il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le stoïcisme.


Nous avons tous en nous la capacité de progresser

par Christopher Gill

Tous les êtres humains ont en eux la capacité de progresser

« Tous les hommes ont des tendances naturelles à la vertu »

Cléanthe, cité par Stobée II, 65, 8 (SVF I, 566)

De toutes les idées stoïciennes, la plus inspirante selon moi est celle-ci : tous les êtres humains ont en eux la capacité de progresser vers la vertu et le bonheur, quels que soient leurs talents naturels spécifiques, leur éducation, leur contexte social ou leur niveau d’instruction. Ce point de vue peut sembler exagérément optimiste, même si les stoïciens sont loin de sous-estimer les éléments qui, dans la nature humaine et parmi les influences sociales, peuvent s’opposer à ce progrès. Mais leur point de vue repose sur des fondements convaincants. Les caractéristiques du progrès moral définies par les stoïciens peuvent raisonnablement être considérées comme des éléments essentiels de la vie bonne pour tout être humain et ne se limitent pas à un sous-groupe qui serait défini par des facteurs socio-économiques, éducatifs ou raciaux.

Deux prédispositions fondamentales communes à tous : prendre soin de soi et prendre soin des autres

Les stoïciens considèrent que le progrès moral repose sur deux prédispositions fondamentales communes à tous les êtres humains (et même à tous les animaux) : prendre soin de nous-mêmes et prendre soin des autres membres de notre espèce, plus particulièrement nos enfants. Les êtres humains, selon les stoïciens, sont capables d’apprendre à exprimer ces prédispositions fondamentales de manière rationnelle (par le langage, la communication, la formation de jugements, l’action délibérée, par exemple). Les êtres humains peuvent apprendre que la meilleure façon de prendre soin de nous-mêmes et des autres est de comprendre et de vivre selon les quatre vertus essentielles : la sagesse pratique, le courage, la justice et la tempérance (ou maîtrise de soi), qui représentent les quatre principaux domaines de l’expérience humaine. Nous pouvons également apprendre à suivre le principe d’attention et de soin porté à autrui non seulement dans nos relations avec nos enfants, nos proches et les membres de notre propre communauté ; nous pouvons aussi reconnaître tout être humain comme quelqu’un dont nous pouvons potentiellement nous soucier et qui partage fondamentalement la même nature humaine d’être rationnel et sociable (en ce sens notre frère, notre sœur ou notre concitoyen).

Trouver le bonheur (eudaimonia), c’est comprendre et agir selon les vertus

Les êtres humains peuvent aussi apprendre à reconnaître que le facteur décisif pour mener la meilleure vie possible, c’est-à-dire pour atteindre le bonheur (eudaimonia), est de comprendre et d’agir selon les vertus. D’autres éléments de la vie humaine considérés généralement comme appréciables, comme la santé, les possessions et le bien-être de nos familles, sont en effet précieux (en termes stoïciens, ces choses sont « en accord avec la nature »). Mais elles ne font pas la différence entre une vie bonne et une vie mauvaise, c’est-à-dire entre le bonheur et le malheur. Le progrès moral, en ce sens, change aussi le caractère de notre vie émotionnelle ; il nous amène à nous libérer des « passions » malavisées et à être en mesure d’éprouver des « émotions positives ». 

Je pense donc que la vision stoïcienne du progrès moral est non seulement inspirante, mais aussi convaincante ; elle identifie les capacités qui peuvent raisonnablement être considérées comme faisant partie intégrante de la conduite d’une bonne vie humaine, indépendamment de notre contexte culturel ou de l’époque à laquelle nous vivons. 

Chercher à progresser sur cette voie nous donne un objectif de vie précis

Les stoïciens reconnaissent qu’il est difficile, voire impossible, de mener ce processus à son terme. Mais ce qui n’est pas impossible, et qui peut donner un objectif précis à notre vie, c’est de s’efforcer de progresser sur cette voie. Les conseils éthiques stoïciens prennent généralement la forme d’encouragements à progresser sur cette voie (ce que les stoïciens appellent la « protreptique »). Cet appel est valable quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons et pour toutes les périodes de notre existence, du berceau à la tombe.


Crédits: Photo de Emma Simpson sur Unsplash

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