Le dernier chapitre du Livre I des Entretiens, avec lequel nous venons de terminer la lecture suivie commencée en juin 2021, est intitulé « Ce qu’il faut avoir sous la main dans les difficultés ». Ce titre fait directement référence au Manuel rédigé par Arrien. En effet, comme le rappelle Olivier D’Jeranian dans son introduction au Manuel d’Épictète : « Étymologiquement, un ‘‘manuel’’ (en grec, enkheiridion) est une petite chose que l’on tient dans la main ou que l’on doit avoir ‘‘sous la main’’, à disposition, pour affronter une épreuve quelconque. Mais Arrien, qui voulut lui donner un sens plus profond, joua peut-être sur l’ambiguïté du mot grec, qui signifie également ‘‘poignard’’ »[1].
Parmi les nombreux enseignements donnés par Épictète, il y en a un essentiel qu’ont pu retirer les participant(e)s à la lecture suivie du Livre I des Entretiens menée ces six derniers mois : « Si tu n’as pas appris ce qu’on t’a enseigné de telle manière que tu sois capable de le mettre en pratique, dans quel but l’as-tu appris ? » (Epictète, Entretiens, I, 29, 35, trad. R. Muller). Allant dans ce sens, Olivier D’Jeranian, toujours dans son introduction au Manuel d’Épictète : « Le parti pris littéraire du Manuel se fonde sur l’idée d’Épictète selon laquelle l’apprentissage des principes théoriques n’a aucune utilité pour qui n’en fait pas usage quotidiennement. […] La répétition et la remémoration de ces principes, leur application attentive, permettent au contraire de faire fructifier les préceptes de la philosophie stoïcienne »[2].
C’est d’ailleurs sans doute à cela que s’exerçait Marc Aurèle et dont il nous a laissé le résultat sous la forme de ses Pensées. En effet, comme l’analyse fort justement Monique Alexandre dans son étude sur « Le travail de la sentence chez Marc-Aurèle » : « Ce thème de la mise à disposition est illustré chez Marc Aurèle par plusieurs comparaisons. L’une d’elles évoque le médecin avec ses instruments et ses fers toujours prêts, définissant la remémoration des principes et des préceptes comme thérapie des urgences quotidiennes (A moi-même, III, 13). Une seconde comparaison souligne l’assimilation, l’intériorisation parfaite et semble renchérir sur l’Encheiridion d’Épictète, le Manuel, arme ou anneau qu’on conserve en main : ‘‘ Il faut dans l’emploi des principes ressembler au lutteur de pancrace et non au gladiateur ‘’, l’un peut perdre son arme, il suffit à l’autre de serrer le poing (XII, 9. Le sens d’Encheiridion, manuel, est interprété par Simplicius du poignard du soldat. Mais la préface de Rufin aux Sentences de Sextus traduites en latin met en équivalence encheiridion et annulus, l’anneau qui ne quitte pas le doigt, autre variation autour de la main.) »[3].
Sur l’usage de ce manuel, Jean-Baptiste Gourinat précise dans ses premières leçons sur le Manuel d’Épictète : « un texte de format réduit, que vous pouvez emporter avec vous, dont vous devez assimiler le contenu et qui vous sera utile dans certaines circonstances »[4]. C’est exactement ce que nous allons proposer à partir de la première semaine de janvier sur le groupe Facebook Stoa Gallica : pour un Stoïcisme Contemporain, une lecture suivie du Manuel d’Épictète pour aider les personnes désireuses d’assimiler et de mettre en pratique les préceptes du stoïcisme. Il s’agira pour toute personne intéressée de lire un chapitre par semaine du Manuel puis de venir discuter de ce chapitre. À la fin de chaque semaine une publication sera créée pour chaque chapitre afin d’y regrouper toutes les discussions, questionnements ou commentaires. Le Manuel comprenant 53 chapitres, cette lecture suivie se déroulera durant toute l’année 2022.
Pour les personnes désireuses d’acquérir un exemplaire du Manuel, l’édition ci-dessous est conseillée, car elle sera utilisée comme référence : Épictète, Manuel, trad. O. D’Jeranian, Paris, Flammarion, 2020.
Intéressé(e)s ? Alors, munissez-vous de votre « poignard » et rejoignez-nous dans l’arène !
« J’affronterais volontiers tous les hasards ; volontiers je m’écrierais : ‘‘Fortune, que tardes-tu ? Viens sur l’arène ! Ton adversaire est prêt !” » Sénèque, Lettres à Lucilius, 64, 4 (Traduction H. Noblot, revue par Paul Veyne).
[1] Epictète, Manuel, traduit par O. D’Jeranian, Paris, GF, 2020, p. 22.
[2] Ibidem, p. 23.
[3] Monique Alexandre, « Le travail de la sentence chez Marc-Aurèle : philosophie et rhétorique », La Licorne [En ligne], Les publications, Collection La Licorne, 1979, Formes brèves. Métamorphoses de la sententia, mis à jour le : 23/03/2006, URL : https://licorne.edel.univ-poitiers.fr:443/licorne/index.php/univ-poitiers.fr/univ-poitiers.fr/lodel/lodel/index.php?id=537.
[4] Jean-Baptiste Gourinat, Premières leçons sur le “Manuel” d’Epictète : comprenant le texte intégral du “Manuel” dans une traduction nouvelle, Paris, PUF, 1998, p. 40.