Comment un stoïcien arrive-il sur la scène de Carnegie Hall ?

Ce texte est une traduction en français, par Michel Rayot et Maël Goarzin, de l’article de Tanner Campbell, “How does a Stoic get to Carnegie Hall“, paru au mois de mai 2023 dans le magazine The Stoic, dirigé par Chuck Chakrapani. Nous remercions l’auteur de cet article et l’éditeur de The Stoic de nous avoir donné l’autorisation de traduire ce texte et de le publier ici.

Tanner Campbell est co-auteur du programme Daily Stoic Journaling et propriétaire de Practical Philosophy. Il se voit comme un « Communicateur de stoïcisme » et crée des contenus éducatifs quotidiens liés au stoïcisme et à la philosophie en général. Si vous avez des commentaires ou des réflexions, n’hésitez pas à les lui soumettre par courriel à l’adresse suivante: tanner@nosages.com


Comment un stoïcien arrive-il sur la scène de Carnegie Hall ?

par Tanner Campbell

Qu’est-ce que le stoïcisme ?

Quel est le but du stoïcisme ? La réponse sera différente selon la personne à qui vous vous adressez, mais d’un point de vue académique, il n’y a qu’une seule bonne réponse : le stoïcisme a pour but de développer une disposition intérieure vertueuse. Les anciens qui pratiquaient le stoïcisme voulaient atteindre l’eudaimonia (en grec) :c’est-à-dire une vie épanouie.

Si vous êtes stoïcien (de toutes tendances), votre mission est claire : développer votre disposition intérieure en direction de la vertu en s’écartant du vice. Cette mission semble simple, mais, comme toute personne vraiment engagée dans cette pratique vous le dira, il est plus probable que vous restiez tout au long de votre vie un prokoptôn (c’est-à-dire un stoïcien progressant) plutôt que de parvenir à devenir un sage stoïcien (un « maître » de la vertu).

Le sage stoïcien

Les stoïciens de l’Antiquité pensent qu’un maître de la Vertu (le Sage) est « aussi rare que le Phénix » ; ils le disent pour une excellente raison : les sages ont une disposition intérieure totalement vertueuse, entièrement dénuée de vices ; ils vivent toujours en accord avec la Nature. Évidemment, le phénix est un mythe, il n’existe pas (et n’a jamais existé). Cela signifie que les grands stoïciens de l’Antiquité estiment que la véritable sagesse est vraiment très difficile à atteindre, voire inatteignable (ce sur quoi les chercheurs d’aujourd’hui, spécialistes du stoïcisme, ne seraient pas d’accord).

Pour les besoins de l’argumentation, imaginons que nous voulions devenir un sage. Comment pouvons-nous devenir un sage, c’est à dire comment pouvons-nous devenir parfaitement vertueux, dénué de tout vice, et être continuellement en accord avec la Nature ?

L’examen de nos actes et de nos pensées

Bien que ce ne soit pas un terme utilisé exclusivement par les stoïciens, la prosochê, dans le contexte stoïcien, désigne l’examen de nos émotions, de nos pensées, de nos attitudes et de nos actions. La pratique de la prosochê consiste à réfléchir sur nos actions en nous demandant : « cela correspond-il à un comportement sage ? ou : « cela nous amène-t-il à la vertu ? »

La prosochê est une pratique stoïcienne fondamentale, car si nous ne prêtons pas attention à ce que nous faisons, comment pourrions-nous déterminer si nous nous détournons de l’idéal stoïcien ? Si nous ne pouvons pas déterminer cela, comment pourrions-nous progresser vers cet idéal ? Et si nous ne parvenons pas à progresser vers cet idéal stoïcien, comment pourrions-nous prétendre être stoïciens ?

Prenez toutes les douches froides que vous voulez, répétez cent fois memento mori pendant votre pause-déjeuner, et dites sans cesse et jusqu’à plus soif qu’il y a des choses qui dépendent de vous et d’autres pas, si vous n’examinez pas avec attention votre disposition intérieure, vous ne pourrez pas progresser. Et si votre propre progrès ne vous intéresse pas, vous ne pourrez pas dire que vous êtes stoïcien uniquement parce que vous pensez régulièrement que vous êtes mortel.

Memento mori

La pratique Memento mori n’est pas une façon de se rendre insensible à sa propre mort, c’est une façon de se rappeler que vous avez de moins en moins de temps pour développer votre disposition intérieure vers la Vertu.

Praemeditatio Malorum

La praemeditatio malorum (contemplation des adversités possibles à venir) n’a pas simplement pour but de vous préparer à la perte et à toute autre tragédie pour pouvoir mieux l’affronter quand elle survient. Cet exercice a pour but de vous rappeler de prendre soin convenablement des choses et des personnes qui vous entourent pendant que vous le pouvez. Le fait d’être un bon ami, une fille ou un fils attentionné, un partenaire compatissant, ou un bon propriétaire de chien, c’est le reflet d’un comportement sage.

Tenir son journal en stoïcien ne consiste pas à écrire des lignes complaisantes sur la façon dont vous aimeriez que le monde soit, mais cela consiste à réfléchir sur vos pensées, à leur donner une forme physique (en les mettant par écrit) et à déterminer de quelle façon et dans quel domaine vous pouvez vous améliorer pour que le monde devienne meilleur.

Être stoïcien, qu’est-ce que cela implique ?

Les stoïciens contemporains ont trop souvent tendance à confondre ces pratiques avec le fait « d’être stoïcien ». Mais « être stoïcien » n’a rien à voir avec telle ou telle action ou pensée. Être stoïcien est plutôt lié au but vers lequel vous avancez ! Si vous faites des efforts pour améliorer votre disposition intérieure, si vous êtes attentif à chacune de vos paroles, de vos émotions, de vos pensées, de vos actions et de vos attitudes – en les examinant et en vous efforçant de les aligner davantage sur un comportement plus sage – c’est cela être stoïcien.

Alors, comment un stoïcien arrive-il sur la scène de Carnegie Hall ? De la même façon que tout le monde : en s’entraînant et en s’entraînant sans cesse – avec toute son attention, bien-sûr !


Crédits: Photo de Barry Weatherall sur Unsplash.

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