Le texte ci-dessous est une traduction en français, par Michel Rayot et Maël Goarzin, de l’article de Meredith Kunz, “Enjoying the festival of life vs. trying to get more“, paru au mois de juin 2021 dans le magazine The Stoic, dirigé par Chuck Chakrapani. Nous remercions l’éditeur de The Stoic de nous avoir donné l’autorisation de traduire ce texte et de le publier ici.
Meredith A. Kunz est la rédactrice du blog The Stoic Mom. Suivre sur Twitter.
Profiter du festival de la vie vs. vouloir toujours plus
par Meredith Kunz
Comment, nous, adeptes de la philosophie stoïcienne, devrions-nous diriger notre énergie dans le tourbillon de la vie quotidienne ?
Rechercher toujours « plus »
Il est facile de se laisser distraire par les sollicitations qui nous attirent vers « plus de tout » : plus d’argent, plus de célébrité, plus de biens matériels, entre autres choses. Il est difficile de prendre du recul et de se demander ce que nous cherchons vraiment et comment nous pouvons tirer le meilleur parti du temps dont nous disposons. Ceci est d’autant plus pertinent en ce moment, alors que nous envisageons le retour à la vie active et trépidante, à l’heure de la « reprise », après cette phase de pandémie. Très bientôt, nous disposerons peut-être de davantage de choix sur la façon d’organiser nos journées… C’est donc le bon moment pour se questionner sur notre manière de vivre.
La vie comme un “festival”
Heureusement, la philosophie stoïcienne nous propose de revoir notre façon de penser pour nous aider à nous inscrire sur la bonne voie. Les Stoïciens de l’Antiquité ont été inspirés par le philosophe grec Pythagore, qui leur a légué une métaphore intéressante pour qualifier la vie de « festival ».
[Pythagore] comparait la vie à un « festival » ou à une « fête » [panêguris].
« De même que dans une fête, les uns viennent pour combattre, les autres pour commercer, d’autres enfin, et ce sont les meilleurs, viennent pour voir et examiner ; de même aussi dans la vie les uns sont esclaves de la gloire, les autres convoitent la richesse ; mais le philosophe ne cherche que la vérité ».
Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, VIII.8, traduit par Charles Zévort
Épictète évoque aussi le « festival » (ou la foire) :
« Notre condition ressemble à ce qui se passe dans une foire. On y mène les bêtes de somme et les bœufs pour les vendre, et la plupart des hommes y vont, soit pour acheter soit pour vendre ; peu nombreux sont ceux qui viennent pour jouir du spectacle de la foire, pour voir comment les choses se passent et pourquoi, qui sont ceux qui l’ont organisée et à propos de quoi. Il en va de même dans cette foire où nous vivons. Chez quelques-uns, comme chez les bêtes de somme les préoccupations ne vont pas au-delà du fourrage. Pour tous ceux d’entre vous, en effet, qui ne vivent que pour la propriété, les champs, les serviteurs, les magistratures, tout cela n’est rien d’autre que du fourrage. Mais peu nombreux sont les hommes qui viennent à la foire par amour du spectacle. »
Épictète, Entretiens, II14, 23-25, traduit par R. Muller
Ceux qui « aiment le spectacle » sont ceux qui ont développé une mentalité de philosophe : ils cherchent à comprendre la nature de ce microcosme et à en tirer le meilleur parti.
Plus loin, Épictète nous indique ce à quoi nous sommes destinés :
« Il lui faut des êtres qui prennent part avec lui à la fête et aux chœurs … pour chanter des hymnes en l’honneur de l’assemblée. »
Épictète, Entretiens, IV 1, 108-109
Par ailleurs, nous devons également prévoir que le « festival prendra fin » et, lorsque le moment viendra, nous devrons « partir en tant que spectateur reconnaissant et respectueux [pour] laisser la place aux autres ».
La fin lui donne son sens
Comment cette idée de « Festival » peut-elle nous aider à demeurer présents, concentrés et ancrés – ainsi qu’à nous épanouir aujourd’hui en tant qu’êtres humains ?
Tout d’abord, Pythagore et Épictète font valoir que ce qui est précieux dans la vie, c’est d’observer sa nature, puis de comprendre son fonctionnement à un niveau plus élevé que celui des soucis mercantiles et de reconnaissance. Ensuite, le « festival » a ses propres rituels de divertissement, de danse et de chant, mais nous devons reconnaître que ceci constitue un don temporaire.
En effet, c’est précisément parce qu’il se termine que ce festival prend du sens. Avoir conscience que nous avons la possibilité, à la fois d’observer et de profiter de ce « festival », tout en nous préparant à lâcher prise, lui donne sa valeur ultime. Je marque un temps d’arrêt pour mesurer chaque jour que j’ai une chance unique de vivre cette vie – en tant qu’amoureuse du savoir comme en tant qu’être humain qui danse, chante et se réjouit de célébrer ce festival.
Crédits: Photo by Paulette Wooten on Unsplash.