Ce texte est une traduction en français, par Michel Rayot et Maël Goarzin, de l’article de Santara Gonzales, “Stoic gratitude“, paru au mois de novembre 2022 dans le magazine The Stoic, dirigé par Chuck Chakrapani. Nous remercions l’auteure de cet article et l’éditeur de The Stoic de nous avoir donné l’autorisation de traduire ce texte et de le publier ici.

Santara Gonzales est la Présidente et co-fondatrice de Wisdom Unlocked, une organisation à but non lucratif qui utilise les principes stoïciens pour aider des personnes à garder de bonnes dispositions dans les circonstances difficiles.


La gratitude stoïcienne

par Santara Gonzales

Avec du recul et une vision globale, peut-être réaliserons-nous que ce ne sont pas seulement les bonnes choses, mais ce sont également les défis relevés, qui façonnent notre identité.

Des bienfaits – donner et recevoir

« Parmi les formes multiples et diverses de l’erreur qui tiennent à la légèreté et à l’irréflexion de notre conduite, je dirai, excellent Libéralis, que nous ne savons ni donner de bienfaits, ni en recevoir. Il en résulte que de mauvais placement font de mauvaises créances ; s’ils ne nous sont pas rendus, il est trop tard pour nous plaindre : ils étaient perdus dès lors qu’ils étaient accordés. Et il n’est pas étonnant que parmi les maux de l’âme les plus fréquents et les plus grands, il n’y en ait pas de plus répandu que l’ingratitude. » – Sénèque, Des bienfaits, I, 1-2, traduit par F. Préchac et revu par P. Veyne.

L’importance de la gratitude

La gratitude, profond sentiment de reconnaissance, était très estimée par les stoïciens. Les philosophes stoïciens Sénèque, Épictète et Marc Aurèle ont écrit sur l’importance et les aspects positifs de la gratitude dans notre existence. La gratitude peut être dirigée vers les autres, comme lorsque nous sommes l’objet d’un bon geste ou que nous recevons un cadeau. Une autre forme de gratitude est fondée sur la perception que nous avons des choses. Il s’agit d’un sentiment de gratitude à l’égard de la vie elle-même et tout ce qu’elle nous apporte, envers la nature et parce que nous faisons partie du cosmos.

Pour les stoïciens, nous devons éprouver de la gratitude non seulement pour les bonnes choses qui nous arrivent, mais aussi pour les épreuves. Ils nous apprennent à être reconnaissants pour tout ce qui nous arrive dans la vie. Il peut sembler contre-intuitif d’être reconnaissants pour les épreuves. Comment pouvons-nous être reconnaissants lorsque je perds un emploi, en cas de rupture avec une relation ou lorsque je perds un être cher ? Éprouver de la gratitude dans de telles situations peut sembler difficile, et pourtant ce n’est pas le cas. Si nous prenons un peu de recul et envisageons la situation de manière globale, peut-être réaliserons-nous que ce ne sont pas seulement les bonnes choses, mais aussi les défis relevés, qui façonnent notre identité.

C’est ce que souligne Épictète en écrivant ceci :

À partir de chacun des événements qui se produisent dans le monde, il est facile de louer la providence si l’on possède ces deux qualités : la capacité, en toute circonstance, à embrasser l’ensemble de ce qui est arrivé, et le sens de la reconnaissance. Dans le cas contraire, ou bien on ne verra pas l’utilité de ce qui est arrivé, ou bien, même si on la voit, on n’aura aucun sentiment de reconnaissance. – Epictète, Entretiens, I, 6, 1, traduit par R. Muller.

Dans ce passage, Épictète relie la gratitude ou la reconnaissance à la manière de percevoir les choses, nous exhortant à être conscients de ce qui se passe à chaque instant ainsi que des possibilités qui s’offrent à nous.

Dans l’une de ses lettres à Lucilius, Sénèque nous rappelle que lorsque nos actions profitent aux autres, elles nous sont également bénéfiques :

« Faisons tout ce qu’il faut pour marquer le plus de gratitude qu’ils se pourra. La gratitude est, en vérité, notre bien propre, au même titre que la justice, qui ne se rapporte pas exclusivement, ainsi que le veut le vulgaire, à l’intérêt d’autrui : une bonne part de ce qui émane d’elle reflue sur elle. Il n’est pas de cas où obligeant autrui, on ne s’oblige soi-même. » – Sénèque, Lettres à Lucilius, 81, 19, traduit par H. Noblot et revu par P. Veyne.

Comment pratiquer la gratitude ? Heureusement, les stoïciens sont là pour nous guider. Nous devrions d’abord prendre conscience et reconnaître les bienfaits que la vie nous accorde.

Apprécier ce dont nous disposons

Lorsque nous désirons une voiture plus récente ou un appartement plus grand, nous perdons de vue le fait que notre voiture est un luxe que beaucoup ne peuvent s’offrir, ou que nous disposons d’un toit pour nous abriter. Lorsque nous apprécions ce dont nous disposons, plutôt que de désirer ce qui nous manque, nous commençons à ressentir de la gratitude. Les stoïciens sont conscients de notre incapacité à reconnaître ce que nous avons et de notre tendance à vouloir toujours plus, entrave notre capacité à ressentir et à exprimer notre gratitude. Épictète associe même la gratitude à l’art de vivre :

Celui qui est mécontent de son état présent et de ce que la fortune lui accorde est un profane dans l’art de vivre. –Epictète, Fragments, 2, traduit par R. Muller.

Considérer les choses qui nous arrivent de manière globale est une autre façon de pratiquer la gratitude. Les événements de la vie sont liés entre eux et non isolés. Reconnaître cela permet de comprendre l’impact des événements sur nos vies et de développer notre capacité à ressentir une véritable gratitude. Tous les événements, heureux comme malheureux, contribuent à forger notre identité.

Nous pouvons également suivre l’exemple de Marc Aurèle qui, dans le premier livre des Pensées, dresse une liste des personnes envers lesquelles il éprouve de la gratitude. Écrire une liste quotidienne de ce pour quoi nous sommes reconnaissants, qu’il s’agisse de personnes ou d’événements, peut nous aider à exprimer notre gratitude.

Modifier nos représentations

Nos représentations jouent également un rôle dans notre capacité à éprouver de la gratitude. Plus nous percevons les événements de façon positive, plus nous serons en mesure d’éprouver de la gratitude.

Pratiquer la gratitude n’est pas facile, surtout dans les épreuves. C’est un travail de tous les jours. Tout au long de notre vie, nous devons nous efforcer d’être reconnaissants à l’égard des personnes qui nous entourent et de tout ce qui nous arrive, et rester conscients qu’il est possible d’être reconnaissants à chaque instant de notre vie.


Crédits: Photo de Debby Hudson sur Unsplash

1 commentaire

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