La liberté d’agir, de ressentir et de lâcher prise

Ce texte est une traduction en français, par Michel Rayot et Maël Goarzin, de l’article de Andi Sciacca, “The freedom to act, feel and let go“, paru au mois de septembre 2023 dans le magazine The Stoic. Nous remercions l’auteur de cet article et l’éditeur de The Stoic de nous avoir donné l’autorisation de traduire ce texte et de le publier ici.


La liberté d’agir, de ressentir et de lâcher prise

par Andi Sciacca

Est libre celui qui vit comme il veut, qu’on ne peut ni contraindre, ni empêcher, ni forcer, dont les propensions ne sont pas entravées, dont les désirs atteignent leur but, dont les aversions ne sont pas contrariées. Qui donc veut vivre dans l’échec ? – Personne.

Épictète, Entretiens, IV, 1

La liberté, définie comme la capacité de vivre selon son désir et de suivre ses préférences, est incontestablement attrayante. Si nous avions le choix, qui refuserait de vivre comme bon lui semble? Toutefois, si nous comprenons la notion de liberté selon les enseignements tirés de la pratique stoïcienne, nous savons que cette liberté doit être guidée par les vertus et nous rapprocher d’une vie en accord avec la nature.

Dès lors, la liberté ne se définit pas comme le choix de s’engager dans la poursuite insouciante de nos plaisirs, mais plutôt comme la capacité de vivre sans succomber aux pressions de la contrainte, de l’entrave ou de la violence. Définir la liberté comme le simple fait d’éviter les conséquences négatives, nous conduit à manquer la richesse de l’expérience.

En étudiant le stoïcisme, j’ai identifié trois pratiques simples qui me permettent d’exercer ma liberté dans le respect des vertus, en satisfaisant mon désir de vivre une vie meilleure tout en me procurant du plaisir.

La liberté d’agir

Pour agir, il faut être capable de prendre des décisions, ce qui nous donne quotidiennement d’innombrables occasions d’agir conformément aux vertus stoïciennes. Nous pouvons prendre nos décisions avec sagesse ou courage ; nous pouvons démontrer notre engagement à l’égard de la justice en agissant de façon juste. Nos actions nous permettent de nous affranchir du vice et de nous détourner de la violence. Si nous étions plus nombreux à considérer sérieusement ces opportunités de mener une vie bien dirigée, nous ne serions pas moins libres, mais davantage.

D’après mon expérience, le choix de pratiquer la tempérance et d’agir avec modération a été le changement le plus important. Étant sujette aux extrêmes et au principe du « tout ou rien », mon choix d’agir de façon simple et mesurée a créé un sentiment de calme et de confiance. Contrairement à ce que je croyais, une connexion plus intense avec les autres se crée plus facilement par des actions calmes et paisibles plutôt que turbulentes et vigoureuses. Grâce à ce changement, mes relations se sont enrichies et j’ai progressé dans ma faculté de collaboration, quelle que soit la situation.

La liberté de ressentir

Dans la pratique stoïcienne, nous mettons beaucoup l’accent sur la réaction – nous discutons souvent de la façon dont nous réagissons aux choses qui ne dépendent pas de nous. Comme nous le savons, beaucoup ont tendance à confondre cette attitude avec de l’insensibilité ou de l’apathie. Cependant, si l’on considère les mots d’Épictète et que nous réfléchissons à ce que signifie être une personne « dont les aspirations sont sans entrave, qui obtient ce qu’il désire, qui a de l’aversion pour ce qui est contraire à son bien », on se rend compte que les mots comme aspiration, désir et aversion ne sont pas plats. Ils sont riches, dynamiques et expriment nos sentiments. La liberté stoïcienne ne propose pas des réponses insensibles – elle nous rappelle plutôt comment garder nos sentiments libres des choses qui nous entravent, afin de réagir de manière adéquate.

Outre cette idée, le travail impliqué dans la pratique stoïcienne a ouvert un nouvel éventail de réponses émotionnelles, car j’ai une meilleure compréhension des indifférents préférables ou non. À présent je peux envisager les réactions émotionnelles comme faisant partie d’un ensemble plus vaste – ce qui me libère pour les vivre pleinement.

La liberté de lâcher prise

Enfin, nous avons la capacité de trouver la liberté dans l’acte de lâcher prise, et c’est peut-être le plus important pour bon nombre d’entre nous. Quand nous renonçons à tout vouloir contrôler ou à nous engager dans des projets déraisonnables, nous éprouvons un sentiment de liberté profonde qui nous permet d’ouvrir la voie vers de meilleures choses. En renonçant au vice, ou en laissant de côté les choses hors de notre contrôle, nous créons plus d’espace pour les choses qui ajoutent de la vertu, de la valeur et de la joie.

Choisir d’explorer la liberté du lâcher prise a été une expérience merveilleuse. Lorsque j’ai cessé d’essayer de tout contrôler autour de moi et que je me suis concentrée uniquement sur ce qui était dans ma sphère de contrôle, ma vie a changé de manière radicale. Je savais que c’était pour le mieux, mais il a fallu renoncer à certains statuts, à certaines choses, à certains sentiments, à certains endroits et même à certaines relations. Ce fut parfois difficile. Mais chaque décision que j’ai prise a facilité la décision suivante.

A travers chaque action, chaque sentiment et chaque libération, j’ai vécu des libertés que je n’aurais pas pu prévoir et apprécier avant d’expérimenter ce mode de vie. Et malgré les difficultés, je suis persuadée que chaque nouvelle journée représente une nouvelle occasion de m’entraîner à suivre le chemin d’une vie bonne.


Crédits: Photo de Peter Conlan sur Unsplash.

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